16.4.15

Les services spéciaux du Kirghizstan et d’Ouzbékistan ont convenu d’un échange de réfugiés

Après avoir listé dans le plus grand secret les réfugiés vivant sur leurs territoires, les services spéciaux d’Ouzbékistan et du Kirghizstan ont conclu un accord sur leurs extraditions respectives vers l’un et l’autre pays.
En avril 2015, lors d’une rencontre à huis clos, les représentants des services spéciaux d’Ouzbékistan et du Kirghizstan ont approuvé une liste de personnes vivant dans l’un et l’autre pays et faisant l’objet d’un avis de recherche. Ces renseignements ont été délivrés par une source fiable au Kirghizstan s’étant illustrée jusqu’à présent par la transmission d’informations justes et vérifiées.
Nombreux sont les réfugiés inscrits sur cette liste qui sont en droit de bénéficier d’une protection selon les critères définis par la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés.
L’Ouzbékistan a demandé à son voisin kirghizstanais l’extradition de réfugiés, originaire du Karakalpakstan (République autonome d’Ouzbékistan). Les autorités ouzbèkistanaises considèrent que ces derniers sont des “séparatistes” dans la mesure où ils s’affirment en faveur de l’indépendance du Karakalpakstan. Plus de cinquante Karakalpaks vivant actuellement au Kirghizstan sont menacés d’extradition. En cas de retour forcé en Ouzbékistan, ils seront torturés, soumis à de longues peines d’emprisonnement, et/ou tués. Leurs proches et les personnes avec lesquelles ils ont pu entretenir une quelconque relation jusqu’à leur émigration, se trouvent actuellement en prison ou sont soumis à une étroite surveillance des services spéciaux ouzbékistanais.
Le Kirghizstan a requis en échange l’extradition d’Ouzbeks (par leur appartenance ethnique) ayant la nationalité kirghizstanaise, poursuivis pour avoir participé aux évènements de Och en juin 2010. Près de 100 Ouzbeks originaires du Sud du Kirghizstan vivent actuellement en Ouzbékistan. En cas de retour forcé au Kirghizstan, ils risquent d’être soumis à des actes de torture, d’être emprisonnés à vie, si ce n’est d’être tués, tandis que leurs biens seront confisqués, et leurs proches discriminés pour leur appartenance ethnique. Au Kirghizstan,  les juges et les avocats sont systématiquement soumis aux pressions du pouvoir, des nationalistes et du crime organisé. Dans ce contexte, les Ouzbeks kirghizstanais sont dans l’impossibilité de bénéficier d’un procès juste et impartial, comme le montrent les procès d’Azimjon Askarov, de dilmourad Khaïdarov, de Mirzakhid Vakhabjanov et de bien d’autres encore.
Tous les Ouzbeks qui ont quitté le Sud du Kirghizstan sont soumis depuis les évènements de Och, cinq ans auparavant, à une surveillance étroite de la part des Services nationaux de sécurité ouzbékistanais (SNB). Leur liberté de mouvement est restreinte et leurs tentatives de légaliser leur statut se révèlent impossibles dans la mesure où le SNB leur a confisqué leur passeport. Par leur situation, ce sont des réfugiés. Ils ont quitté leur pays car ils étaient menacés de mort suite au conflit interethnique dans le Sud du Kirghizstan, et vivent désormais en Ouzbékistan illégalement. Cependant, les autorités ouzbékistanaises ne les autorisent pas à légaliser leur situation, et les placent dans une situation de dépendance totale vis-à-vis des décisions prises par les différentes institutions publiques, sans que les organisations internationales et les observateurs indépendants ne puissent intervenir.
Dans le cas où ces réfugiés seraient échangés et extradés, le Kirghizstan et l’Ouzbékistan démontreraient encore une fois leur absence totale de volonté concernant le respect de leurs engagements internationaux dans le domaine des droits de l’homme, et la garantie des droits fondamentaux.
L’Association des Droits de l’homme en Asie centrale exhorte les acteurs suivant à intervenir dans cette situation :
 le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme
 le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés
 le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture
 le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
 Représentant spécial de l’Union européenne pour l’Asie centrale
L’Association des Droits de l’homme en Asie centrale en appellent à toutes les missions diplomatiques et aux médias d’informations pour faire cesser les extradition de masse de réfugiés vers leurs pays d’origine, où ils sont menacés de mort. Elle les exhorte à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que le statut de ces personnes, qui nécessitent d’une protection internationale, soit légalisé.



7.4.15

Ouzbékistan : l’avocate Polina Braounerg interdite de sortie de territoire par les autorités

Alors que l’avocate Polina Braounerg prévoyait de partir à l’étranger pour recevoir des soins médicaux spécifiques dont elle a besoin urgemment, les autorités ouzbèkes lui ont interdit de quitter le territoire.  

Polina BRAOUNERG
Polina BRAOUNERG est née le 11 octobre 1948 au Kazakhstan, dans la région d’Akmolin. Elle est citoyenne de la République d’Ouzbékistan.

Elle a suivi des études supérieures.

Elle a reçu le statut d’invalide de groupe 1.

Après avoir fini ses études, elle a travaillé pendant trois ans en tant qu’enquêtrice au sein du commissariat de la ville d’Almalyk. Dès sa prise de fonction, elle a été confrontée à de graves violations de la loi. Au même titre que d’autres enquêteurs, elle a été obligée de désigner comme coupables, dans des affaires non élucidées de meurtres, de vols ou de brigandage, des personnes décédées en s’appuyant sur de faux témoignages.

Refusant plus longtemps d’enfreindre la loi sur l’ordre de ses supérieurs, Polina Braounerg a démissionné des organes de police. Elle a commencé dés 1976 à travailler comme avocate, et est depuis lors connu dans la société civile pour son courage et sa droiture.

Mme Braounerg a défendu les cas de plusieurs défenseurs des droits de l’homme, notamment ceux de Fakhriddin Tillaïev et de Nouraddin Djoumaniïazov, alors en prison. Aujourd’hui, elle représente les intérêts de deux voix critiques du pouvoir actuellement emprisonnées : ceux de Mourad Djouraïev, ancien député du Parlement ouzbek, et ceux de Chavkatjon Khajikhanov, défenseur des droits de l’homme et ancien rédacteur en chef de la revue Erk (du même nom que le parti politique de Moukhammad Bekjanov notamment).

Polina Braounerg a accompli un immense travail en établissant les causes de la mort de Nilioufar Rakhimadjanova, condamnée à une peine de dix ans d’emprisonnement, et décédée en novembre 2014 dans une colonie pénitentiaire pour femmes.

  • Chronologie
12 novembre 2014 : Polina Braounerg a déposé les documents nécessaires pour recevoir l’autorisation de quitter le territoire auprès du département des entrées, des sorties et de la citoyenneté de la région de Tachkent, affilié au ministère de l’Intérieur (acronyme en russe: UVVIG, anciennement OVIR - service chargé de délivrer les autorisations de sortie du pays et d’enregistrer les résidents ou les citoyens étrangers en URSS avant 1991).

5 décembre 2014,  date à partir de laquelle le passeport de Polina Braounerg aurait dû être délivré par l’UVVIG de la région de Tachkent. Mme Braounerg n’a cependant pas pu le récupérer ce jour-là, ni les 12 et 19 décembre suivants.

26 décembre 2014 : après s’être enquis à plusieurs reprises des suites de sa demande d’autorisation de sortie du territoire, Polina Braounerg reçut un refus officiel. Elle adressa alors une lettre au Procureur général pour dénoncer les infractions à la loi commises par l’UVVIG de la région de Tachkent. Une réponse formelle lui fut envoyée dans laquelle on la renvoya au point 3 du décret ministériel de la République d’Ouzbékistan n°8 émis le 6 janvier 1995, et qui spécifiait qu’elle était interdite de sortie de territoire sans en indiquer les raisons.

Son passeport lui a été ensuite renvoyé, mais sans le tampon officiel nécessaire à la sortie du territoire.

L’Association des Droits de l’homme en Asie centrale - AHRCA considère que l’avocate Polina Braounerg a été interdite de sortie de territoire en raison de son activité professionnelle. Avant que cette décision politiquement motivée n’ait été prise, Mme Braounerg a déclaré avoir reçu de nombreux appels anonymes et avoir été menacée à plusieurs reprises. Elle a également mentionné qu’elle était fréquemment suivie.

L’Association des Droits de l’homme en Asie centrale souligne que dans l’affaire de Polina Braounerg plusieurs infractions à la loi ont été commises :

— Infractions aux articles suivants de la Constitution d’Ouzbékistan :
  • Article 28 :  « Tout citoyen de la République d’Ouzbékistan a le droit de circuler sur le territoire ouzbek, d’en sortir et d’y rentrer librement, à l’exception des cas précisés par la loi pour lesquels l’exercice de ces droits peut être restreint » ;
  • Article 30 « Toutes les structures d’Etat, les institutions publiques et les fonctionnaires de la République d’Ouzbékistan ont l’obligation de garantir à tous les citoyens la possibilité de prendre connaissance des documents, des décisions, et des autres actes ayant trait à leurs droits et à leurs intérêts » ;
— Infractions aux articles suivants du Pacte international relatifs aux droits civils et  politiques :
  • Article 12 <…>
2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.
  • Article 19
1. Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.
2. Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
                                  


1.4.15

Ouzbékistan : en se maintenant au pouvoir, Islam Karimov renforce la dictature


CA-News, site d’information sur l’Asie centrale, a demandé à Nadejda Atayeva, présidente de l’Association des Droits de l’Homme en Asie Centrale de partager son analyse des élections présidentielles ouzbèkes.
Les élections présidentielles se sont tenues le 29 mars 2015. Quatre candidats étaient en lice : Islam Karimov, candidat du parti libéral-démocrate d’Ouzbékistan; Narimon Oumarov, candidat du parti social-démocrate “Adolat” ; Khatamjon Ketmonov du parti démocrate populaire (anciennement parti communiste d’Ouzbékistan - OuzSSR) ; et Akmal Saïdov du parti démocrate “Milliï Tiklanich” (la “Renaissance nationale”).
Islam Karimov a été officiellement reconduit pour un nouveau mandat au poste de président. Selon la commission centrale électorale, 18 millions et 928 mille personnes (soit 91,01% de la population) auraient participé aux élections, et 90,39% des électeurs auraient voté pour M. Karimov. Vérifier la véracité de ces informations est impossible.
   1. Pourriez-vous nous livrer votre analyse des élections présidentielles qui se sont déroulées en Ouzbékistan?
  
Il s’est produit une substitution du sens du concept électoral. Les élections présidentielles en Ouzbékistan désignent un évènement officiel à l’échelle nationale, instauré dans le but de permettre au dictateur Islam Karimov de se maintenir au pouvoir. Les autres candidats ont totalement conscience qu’ils n’ont aucune chance d’être élus. Ce processus, financé par l’Etat, a été mis en place par l’ancien président de la Cour constitutionnelle d’Ouzbékistan Mirza-Oulougbek Eltchievitch ABDOUSSALOMOV. Cela n’a donc rien d’étonnant que les lois fondamentales du pays ne soient pas respectées.

Такое может происходить только в условиях диктатуры и повсеместного тотального контроля, при отсутствии оппозиции, свободы слова, свободы ассоциаций и свободы собраний. Un tel évènement ne peut se produire que dans le cadre d’une dictature où s’exerce un contrôle total sur l’ensemble du pays, où toute opposition est anéantie, et où les libertés d’expression, d’association et de réunion sont inexistantes. 

Les résultats électoraux  annoncés ont de quoi faire sourire. Il n’y a aucun suspens! Plus de 90% des voix sont en faveur d’Islam Karimov. A priori, les vrais résultats ne pourront jamais être connus.

Maintenant, il ne nous reste plus qu’à observer qui félicite Islam Karimov, qui qualifie ces élections présidentielles de parodie. 

     2. Quel sera l’avenir de  l’Ouzbékistan après ces élections?


Les perspectives sont lugubres. La moindre voix indépendante est considérée par le régime comme une tentative de renversement de l’ordre constitutionnel. En réalité, il n’y a aucun ordre constitutionnel - il n’y a que le régime d’Islam Karimov. Et les dernières élections en sont la nette illustration.

La répression politique, la restriction des droits et des libertés individuelles ne cesseront pas de se renforcer. Non seulement les voix critiques sont menacées, mais également les représentants des communautés religieuses. De même, toutes les personnes ayant passé plus de trois mois à l’étranger sont dans le viseur des autorités. Ils sont interrogés à propos de ceux qui cherchent à obtenir le statut de réfugié politique. Ceux qui avouent avoir demandé l’asile à l’étranger sont publiquement désignés comme des “traîtres à la patrie”. Le tribunal ne prend pas en compte le fait que ces citoyens soient traduits en justice uniquement sur la base d’aveux obtenus sous la torture. Les chances pour les accusés de se voir reconnus non-coupables sont insignifiantes, étant donné la manipulation faite de leur cas par les propagandistes du régime de Karimov. Par la suite, les proches des victimes de violations des droits de l’homme font l’objet de discriminations et ne peuvent plus recevoir les services de l’Etat. 

Cette vague de répression est dirigée contre ceux qui ont cherché à obtenir l’asile à l’étranger et qui sont revenus en Ouzbékistan, contre leurs proches vivant en Ouzbékistan, et contre les réfugiés politiques. 

Plus de 100 cas de pressions exercées par les Services spéciaux sur les réfugiés politiques ont déjà été recensés, y compris les cas d’intimidations et les tentatives de meurtre.

En novembre 2014, on a appris qu’une “liste noire”, composée des noms de tous ceux qui sont considérés comme suspects par les Services de sécurité ouzbeks, avait été instaurée. De manière générale, Islam Karimov s’empresse de faire le vide autour de lui en matière de politique. Il souhaite, avec la participation de la majorité obéissante, éviter d’être traduit en justice. Il doit également protéger ses filles Lola et Goulnara. Cette dernière, avec son mari Temour Tillayev, collaborent étroitement avec le baron de la pègre Saline Abdouvaliev, et possèdent le monopole sur la livraison des biens de consommation sur le marché “Abdousakhiï”, et leur distribution par la compagnie de transports du même nom. En outre, Lola Karimova se cache derrière son statut de représentante de l’Ouzbékistan auprès de l’UNESCO. Cette famille de voleurs a ainsi reçu un accès illimité aux ressources budgétaires de l’Etat tout en s’enrichissant grâce à des schémas de corruption à grande échelle. Essayant de fuir ses responsabilités, elle rejette la faute sur des boucs émissaires. Ainsi, alors que le système judiciaire continue d’être subordonné au pouvoir exécutif à la tête duquel trône Islam Karimov, ce régime criminel ne peut se défaire de la pratique de la torture. Ce qui provoque une radicalisation de la société, qui est elle-même ensuite invoquée pour renforcer ce régime. 

Une réaction adéquate de la communauté internationale, ainsi que la poursuite par les défenseurs des droits de l’homme et les autres activistes de la société civile de leurs activités pourraient exercer une certaine influence sur le régime d’Islam Karimov.