En
Ouzbékistan, des juges siègent désormais au Parlement, au mépris de l’article
106 de la Constitution ouzbèke qui stipule que
“le pouvoir judiciaire de la République d’Ouzbékistan doit agir
indépendamment des pouvoirs législatif et exécutif, des organisations
politiques, et des autres organisations publiques”, ainsi que de la décision de
justice votée en session plénière par la Cour suprême de la République d’Ouzbékistan,
relative aux “amendements de plusieurs décisions de justice prises par la Cour
suprême et la Haute Cour d’arbitrage de la République d’Ouzbékistan” du 3
octobre 2014.
1. Abdoukadirov
Doniior Khoussanovitch, né en 1981.
Il
occupe la fonction de juge à la cour d’arbitrage de la ville de Tachkent, et a
été élu député dans la circonscription de Zanguiatin n°81. Il s’est présenté
comme le candidat du Mouvement des entrepreneurs et des hommes d’affaires - le
parti libéral-démocrate d’Ouzbékistan. Il est inscrit sur la liste électorale
n°2 comme n’appartenant à aucun parti.
2. Aripov
Davron Rakhimovitch, né en 1974.
Il
occupe la fonction de juge au tribunal pénal d’un quartier de Tachkent et s’est
présenté dans la circonscription électorale de Bekabad n°78 comme le candidat
du parti démocrate d’Ouzbékistan “Milliï Tiklanich”. Il est inscrit sur la
liste électorale n°10 comme n’appartenant à aucun parti.
3. Polvanov
Choukhrat Tagaïmouratovitch, né
en 1977.
Il
occupe la fonction de juge à la Haute Cour d’arbitrage de la République
d’Ouzbékistan, et s’est présenté dans la circonscription électorale de
Samarkand n°60 comme le candidat du parti social-démocrate d’Ouzbékistan,
“Adolat”. Il est inscrit sur la liste électorale n°65 comme n’appartenant
à aucun parti.
4. Temirkhanova
Bibissanem Tadjibaevna, née en
1964.
Elle
occupe la fonction de juge à la Haute Cour d’arbitrage de la République
d’Ouzbékistan. Elle s’est présentée dans la circonscription électorale de
Tourtkoul n°2 (République du Karakalpakistan) comme candidate du Mouvement des
entrepreneurs et des hommes d’affaires - le parti libéral-démocrate
d’Ouzbékistan. Elle est inscrite sur la liste électorale n°82 comme
n’appartenant à aucun parti.
5. Oumarov
Zakir Sabirdjanovitch, né en 1980.
Il
occupe la fonction de juge à la cour d’arbitrage de la ville de Tachkent et
s’est présenté dans la circonscription électorale de Darkhan n°125 comme
candidat du Mouvement des entrepreneurs et des hommes d’affaires - le parti
libéral-démocrate d’Ouzbékistan. Il est inscrit
sur la liste électorale n°99 comme n’appartenant à aucun parti.
6. Khamraev
Alicher Chonazarovitch, né en
1968.
Il
occupe la fonction de vice-président de la cour d’arbitrage du quartier
de Kachkadarin à Samarkand. Il s’est présenté dans la circonscription
électorale de Taïlak n°61 comme candidat du parti démocrate d’Ouzbékistan
“Milliï Tiklanich”. Il est inscrit sur la liste électorale n°112 comme
n’appartenant à aucun parti.
7. Kholov
Outkir Chomourodovitch, né en 1970.
Il
occupe la fonction de juge à la Cour suprême de la République d’Ouzbékistan. Il
s’est présenté dans la circonscription de Chakhroud n°23 comme candidat du
parti social-démocrate “Adolat”. Il est inscrit sur la liste électorale n°118
comme n’appartenant à aucun parti.
8. Tsvetkov
Vladislav Olegovitch, né en 1978.
Il
occupe la fonction de juge à la Cour pénale de la ville de Tachkent et s’est
présenté dans la circonscription comme candidat du Mouvement des entrepreneurs
et des hommes d’affaires - le Parti libéral-démocrate d’Ouzbékistan. Il est
inscrit sur la liste électorale n°122 comme n’appartenant à aucun parti.
* * *
L’Association
des “droits de l’homme en Asie centrale” exprime son inquiétude face aux
violations du principe constitutionnel d’’indépendance de la Justice.
La
présence au sein du pouvoir législatif de juges toujours en fonction suscitent
de nombreuses interrogations :
— Les décisions rendues par ces juges
peuvent-elles être considérées comme objectives et justes?
— Comment des juges de la Haute Cour
d’arbitrage de la République d’Ouzbékistan ont-ils pu être élus députés? Alors
même qu’ils résident de manière permanente à Tachkent, Polvanov Choukhrat
Tagaïmouratovitch a été élu dans la circonscription de Samarkand, tandis que
Temourkhanova Bibissanem Tadjibaïevna a été élue dans la circonscription n°2 de
la République du Karakalpakistan.
— Comment ont-ils pu réunir toutes les conditions nécessaires
pour se présenter comme candidat pour les élections législatives dans ces
circonscriptions électorales, alors qu’ils résident de manière permanente à
Tachkent pour leurs activités judiciaires?
* * *
Alors
que les autorités ouzbèkes mènent en apparence une réforme du système
judiciaire, la dépendance de la Justice à l’égard de l’exécutif ne cesse de
s’accroître. Ainsi, parmi les juges récemment élus députés figurent plusieurs
membres de partis politiques, notamment du parti libéral-démocrate
d‘Ouzbékistan. Dans le cas de Temirkhanova Bibissanem Tadjibaïevna, elle est
tout à la fois inscrite comme membre du parti libéral démocrate d’Ouzbékistan
(OuzLiDeP) sur la liste des députés du Oliï Majilis élus dans la
circonscription électorale n°82, et sous la mention “sans parti”. Est-ce une
erreur ou une manipulation?
Il
apparaît comme évident que ces juges qui ont participé aux élections
législatives, tout comme le directeur de la Commission électorale centrale M.
Abdoussalomov, ne comprennent probablement pas ce que signifie exactement
l’indépendance de la Justice. C’est en effet ce M. Abdoussalomov, juriste de
formation, ancien président de la Haute Cour d’arbitrage de la République
d’Ouzbékistan, et actuellement président de la Cour constitutionnelle
d’Ouzbékistan, qui a permis la violation de principes constitutionnels
fondamentaux.
Le
directeur du Centre national des droits de l’homme Akmal Saïdov se montre très
actif dans son entreprise de convaincre les experts internationaux et des
membres du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies
(ONU) de l’indépendance de la Justice en Ouzbékistan. Dans des rapports
nationaux présentés aux organes exécutifs de l’ONU, A. Saïdov exhibe de longues
listes de séminaires et de formations organisés pour les juges en fonction,
listes mentionnées également en termes élogieux par le président d’Ouzbékistan
Islam Karimov. La plupart de ces évènements sont mis sur pieds grâce aux
financements versés par l’Union européenne et l’ONU dans le cadre de programmes
d’aide.
Dans
le cadre du Programme des Nations unies pour le développement (le PNUD - il fait partie des programmes et fonds de l’ONU. Son
rôle est d'aider les pays membres dans le domaine du développement), l’Ouzbékistan
reçoit une assistance technique pour mettre en place le projet intitulé
“Réforme des procédures judiciaires civiles : une administration juridique
effective” . Le projet consiste principalement à :
— créer des conditions favorables pour le développement approfondi des procédures
civiles dans les domaines législatif et pratique.
— améliorer l’accès de la population à la Justice par la mise en place de
procédures électroniques.
— améliorer la qualité des décisions de justice rendues et de leur application.
— développer des connaissances de la population concernant les moyens juridiques
de défenses des droits des citoyens.
— perfectionner l’effectivité des procédures civiles.
Des
représentants de l’agence de coopération internationale allemande pour le
développement (Deutsche Gesellschaft für
Internationale Zusammenarbeit - GIZ), du bureau régional de la fondation
Friedrich-Ebert, et de la filiale de l’organisation non-gouvernementale
« Le dialogue régional » (Slovénie), de la Haute Commission en charge
auprès du président Islam Karimov de la désignation des juges à la Haute Cour
d’arbitrage de la République d’Ouzbékistan, ont participé à des évènements
organisés dans le cadre de ce projet.
En
2011, dans la cadre de sa stratégie dans le domaine des droits de l’homme en
Asie centrale,
l’Union européenne a alloué une aide financière de 10 millions d’euros à
l’Ouzbékistan pour réformer son système judiciaire. Des juges, dans le cadre
d’une délégation gouvernementale, se sont même rendus en France pour échanger
leurs expériences avec leurs confrères.
L’argent
des contribuables de gouvernements démocratiques ont déjà été dépensés par
millions pour la création d’un système de justice indépendant en Ouzbékistan.
En vain, comme le montre l’élection de huit juges toujours en activité au
Parlement ouzbek. Il est à nouveau prouvé que tous les dialogues sur les droits
de l’homme et les projets intergouvernementaux mis en place dans le cadre du
développement du système judiciaire en Ouzbékistan sont factices.