Jeudi 6 et vendredi 7 novembre, le ministre ouzbek des
affaires étrangères devrait rencontrer discrètement Laurent Fabius ainsi que
des membres du Sénat et de l’Assemblée nationale. L’ACAT et l’Association Droits de l’Homme en Asie Centrale expriment leur surprise et leur profonde
préoccupation concernant cette rencontre avec le représentant d’un régime où la
torture est pratiquée de manière systématique.
Aucune information n’apparait sur l’agenda officiel deLaurent Fabius , de l’Assemblée nationale ou du Sénat. L’ACAT et
l’Association Droits de l’Homme en Asie Centrale ont découvert cette information sur l’agenda officiel du ministère ouzbek. Celui-ci indique que
la délégation ouzbèke emmenée par Abdoulaziz Kamilov, le ministre des affaires
étrangères, doit rencontrer son homologue français, des membres du Sénat et de
l'Assemblée nationale ainsi que des représentants des milieux d'affaires
français. Seul le Medef international annonce cette rencontre.
Selon Christine Laroque, responsable Asie à l’ACAT, « La
plupart des dirigeants occidentaux évitent, à juste titre, de rencontrer les
dignitaires ouzbeks. Il est surprenant et choquant de voir aujourd’hui les plus
hautes instances françaises organiser de telles rencontres dans le plus grand
secret. Le silence autour de cette visite témoigne d’un embarras politique de
leur part, et d’un manque de transparence de la part du pouvoir politique
vis-à-vis de la société civile française. »
Selon Nadejda Atayeva, présidente de l’Association Droits de l’Homme en Asie Centrale, « Depuis l’arrivée au pouvoir
d’Islam Karimov il y a 25 ans, le gouvernement ouzbek est l’un des pires
régimes tortionnaires et répressifs au monde. La torture y est systématique
dans les postes de police et dans les prisons. » Le Comité des Nationsunies contre la torture a très sévèrement critiqué l’Ouzbékistan il y a un an .
Des dizaines de défenseurs des droits de l’homme, des
journalistes et des militants pacifiques y sont détenus sur le fondement de
motifs politiques. Des milliers de personnes y sont enfermées pour avoir
simplement exercé leur religion de façon pacifique, aussi bien des chrétiens
que des musulmans.
Le Comité international de la Croix rouge a mis fin
depuis 2013 à ses visites en détention car le gouvernement refusait de
respecter les procédures de visites du CICR. Depuis près de 12 ans, aucun
expert des Nations unies n’a pu entrer dans le pays pour examiner la situation
des droits de l’homme. Aucune ONG internationale n’est présente depuis
l’expulsion de Human Rights Watch en 2011.
Les défenseurs ouzbeks des droits de l’homme prennent des
risques considérables, parfois au prix de leur vie, comme Abdurasul Khudoinazarov, un prisonnier longtemps soutenu par l’ACAT. Ce militant connu
pour son travail mené contre la corruption des policiers et des forces de
sécurité a passé 8 ans en prison sous la torture. Privé de soins médicaux et
soumis à des sévices, sa santé s’est gravement détériorée. Il a été libéré en
mai 2014 pour raisons médicales avant de décéder quelques semaines plus tard,
le 26 juin dernier, le jour international de soutien aux victimes de torture.
Depuis le massacre d’Andijan en 2005, au cours duquel les
forces de l’ordre ont tiré sur une foule de manifestants pacifiques, tuant des
centaines de personnes dans cette ville, aucune enquête indépendante n’a été
menée et aucun responsable n’a jamais été poursuivi. Par conséquent, la France
avec les autres États de l’UE avaient imposé, entre 2005 et 2009, des sanctions
à l’encontre du gouvernement ouzbek, qui étaient conditionnées au respect des
droits de l’homme.
L’ACAT et l’Association Droits de l’Homme en Asie
Centrale estiment que de telles rencontres, qui impliquent des négociations
économiques et éventuellement des coopérations stratégiques et militaires avec
les autorités françaises, devraient avoir lieu uniquement lorsque le
gouvernement ouzbek aura montré les preuves crédibles de son intention de
garantir l’application des droits de l’homme. L’ACAT et l’Association Droits de l’Homme en Asie Centrale leur demandent d’utiliser au moins cette
occasion pour exprimer publiquement et directement au ministre ouzbek les
préoccupations de la France à propos de la situation des droits de l’homme en
Ouzbékistan.
Contacts presse :
•
Pierre Motin, ACAT, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63
94 pierre.motin@acatfrance.fr
•
Nadejda Atayeva, Association Droits de
l’Homme en Asie centrale, 06 49 38 86 59 asiecentrale@neuf.fr
(russe)